Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/45

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on me croit dévote comme Sainte-Thérèse ; fausse comme Tibère, en me croit franche comme Socrate ; sobre comme Diogène, Apicius fut moins intempérant que moi. J’idolâtre, en un mot, tous les vices, je déteste toutes les vertus ; et si tu consultais mon époux, si tu interrogeais ma famille, on te dirait : Delmonse est un ange ; tandis que le prince des ténèbres lui-même fut enclin à moins de désordres. C’est la prostitution qui t’effraie ? Eh, mon enfant, quelle extravagance ! Examinons-la dans tous ses rapports, et voyons sous lequel on pourrait la croire dangereuse. Est-ce à elle-même qu’une jeune fille peut faire tort en étant libertine ? Non, sans doute ; car elle ne fait que céder aux plus doux mouvemens de la nature, qui, certes, ne les lui suggerrerait pas, s’ils devaient lui nuire. N’a-t-elle pas mis dans elle le desir de se prostituer à tous les hommes au nombre des premières nécessités de la vie ? et y a-t-il une seule femme qui puisse dire qu’elle n’éprouve pas le besoin de foutre aussi impérieusement que ceux de boire et de manger ? Or, je te demande, Justine, comment la nature pourrait faire un crime à une femme de céder à des desirs qui composent la plus sublime