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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/70

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de quitter bientôt cette maison, se détermina néanmoins par prudence à patienter quelque tems encore. Un jour elle crut entendre la voix de Dubourg ; elle prête l’oreille, et ne distingue rien ; c’était lui, mais les précautions étaient assez bien prises pour que tout ce qui se tramait contre elle, fût toujours revêtu des voiles du plus incroyable mystère.

Il y avait environ deux mois qu’elle menait dans cette maison une vie aussi tranquille qu’uniforme, lorsque madame Delmonse ne pouvant plus tenir aux feux de sa luxure, passa un soir dans sa garde-robe, fort échauffée de vin et de paillardise : Justine, dit-elle d’un air un peu moins grave, la place de ma troisième femme sera bientôt vacante ; Suzanne qui l’occupe est devenue amoureuse de mon premier laquais, je les marie ; mais, mon enfant, pour monter à cette place, j’exige de toi des complaisances bien différentes de celles qui viennent de constituer les bases de ton devoir. — Et de quoi s’agit-il, madame ? — Il faut que nous couchions ensemble, Justine, il faut que tu me branles… — Oh ! madame, est-ce là cette vertu ?… — Comment ; tu n’es pas encore revenue de tes chimères ? — Chimère, madame ?… la vertu une chimère !