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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/71

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— Assurément, mon ange, il n’en est pas de plus méprisable ; les vertus, les religions, tout cela sont des freins populaires dont les philosophes se moquent, et qu’ils se font un jeu d’enfreindre ; les seules loix de la nature sont nos passions, et dès qu’elles contrarient la vertu, celle-ci n’a donc plus rien de réel. Un moment j’ai cru pouvoir vaincre le violent amour que tu m’inspires ; contente de t’avoir, je crus que ta présence adoucirait les maux que tes yeux faisaient à mon cœur, et si je t’ai soumise aux emplois que tu exerces, c’est qu’ils me procuraient le plaisir de me montrer souvent nue devant toi ; mais ton insensibilité me révolte ; je ne puis plus imposer silence à mes passions, il faut qu’elles se satisfassent à tel prix que ce puisse être ; viens, suis-moi, fille céleste ; et Delmonse, malgré les résistances de Justine, l’entraîne dans son appartement ; il n’y eut rien alors que cette séductrice n’employa pour achever de corrompre la vertu de cette jeune personne ; présens, promesses, discours flatteurs, tout fut mis en usage, mais en vain ; et les fermes résistances de Justine convainquirent madame Delmonse, que les préjugés de la vertu dans une jeune fille peuvent avoir assez