Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 10, 1797.djvu/274

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salba vient de faire, mademoiselle, lui dis-je, je sais parfaitement qu’à votre âge le sentiment et la délicatesse sont des dieux auxquels on croit devoir s’immoler ; mais cette folle constance que vous gardez à votre amant, doit-elle balancer, je vous prie tous les sentimens dûs à votre père ? Zeno, le plus honnête des hommes, est incapable de vous trahir : songez, d’ailleurs, que ce n’est pas votre cœur qu’il demande, il se contente de votre corps. Vous n’en resterez pas moins pure aux yeux de votre amant… Ah ! croyez-moi, belle Virginie, dans la situation où les circonstances vous placent, vous ne pouvez refuser sans crime. Verrez-vous de sang-froid votre père marcher à la mort, pendant qu’un seul instant de complaisance eût pu le sauver ? Ah ! Virginie, êtes-vous bien sûre que cette fidélité, à laquelle vous sacrifiez tout, soit aussi religieusement observée par votre amant, que par vous ; et ne connaissez-vous pas les hommes ! S’il arrivait, cependant que celui que vous aimez n’eût pas autant de vertu, quel remords n’auriez-vous pas, en ce cas, d’avoir immolé votre père à un sentiment dont vous ne seriez pas payée : non, made-