Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 10, 1797.djvu/76

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avec la finesse que je te connaissais, ne servirait qu’à te faire hâter le crime que je voulais que tu commisse. — Et pourquoi choisir ma main pour cela ? Ne pouvais-tu pas t’en charger ? — Il était bien plus délicieux pour moi de te faire trancher les jours de ma rivale ; pour que ma volupté fût complette, il fallait que ton bras me servit : il l’a fait. — Juste ciel ! quelle femme tu es !… mais elle fut inquiète en dînant chez toi l’autre jour, elle goûta mal les plaisirs que tu lui destinais, on eût dit qu’elle se méfiait de notre tête-à-tête… elle te fit un signe. — J’avais préparée cette inquiétude, parce que j’en pressentais les résultats sur toi ; tu vois bien que j’ai réussi, et que son air troublé la rendit bientôt plus coupable à tes yeux : en lui disant que je t’empoisonnerais pour deux mille louis ; elle dut craindre que je ne t’en proposasse autant contre elle. Voilà le signal expliqué, voilà d’où vient qu’elle trembla du tête-à-tête, et ce frémissement, fruit de mes soins, produisit sur ton esprit l’effet entier que j’en attendais : deux heures après, le coup fut exécuté. — Quoi ! d’honneur, Clairwil était innocente ? — Elle t’adorait… Je t’adorais aussi et ne pouvais