Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/135

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acte de vertu n’émanera de mon cœur, qu’il ne soit aussi-tôt suivi d’une peine ! Eh ! quel mal faisais-je, grand Dieu ! en desirant de venir accomplir, dans ce couvent, quelques devoirs de religion ? offensais-je le ciel en voulant le prier ? Incompréhensibles décrets de la Providence, daignez donc, continua-t-elle, vous expliquer à moi, si vous ne voulez pas que mon cœur se révolte. Des flots de larmes, que Justine répandit dans le sein d’Omphale, suivirent ces plaintes amères ; et cette tendre compagne la pressant dans ses bras, l’exhorta au courage et à la patience. O Justine ! lui dit-elle avec aménité, j’ai pleuré, comme toi, dans les premiers jours, et maintenant l’habitude est prise ; tu t’y accoutumeras, comme j’ai fait. Les commencemens sont terribles : ce n’est pas seulement la nécessité d’assouvir les passions de ces libertins qui fait le supplice de notre vie ; c’est la perte de notre liberté ; c’est la manière cruelle dont on nous gouverne dans cette exécrable prison ; c’est la mort qui plane à tout instant sur nos têtes.

Les malheureux se consolent en en voyant d’autres auprès d’eux. Quelques cuisantes que fussent les douleurs de Justine, elle se calma,