Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/152

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fer, dont eux seuls ont la clef, et garni de pièges, où se prendraient infailliblement ceux qui, comme eux, ne connaîtraient pas le local.

Il faut donc renoncer à l’évasion, ma chère, elle est impossible ; ah ! crois que si elle pouvait s’entreprendre, il y a long-tems que j’aurais fui la première cet épouvantable séjour. Mais, cela ne se peut, la mort seule rompt ici nos liens, et delà naît cette impudence, cette cruauté, cette tyrannie, dont les monstres usent avec nous ; rien ne les embrâse, rien ne leur monte l’imagination, comme l’impunité que leur promet cette inabordable retraite. Bien sûrs de n’avoir jamais pour témoins de leurs excès, que les victimes qui les assouvissent ; bien certains que jamais leurs écarts ne seront révélés, ils les portent aux plus odieuses extrémités ; délivrés du frein des loix, ayant brisé ceux de la religion, méconnaissant ceux des remords, n’admettant ni Dieu ni Diable, il n’est aucune atrocité qu’ils ne se permettent ; et dans cette cruelle apathie, leurs abominables passions se trouvent d’autant plus voluptueusement chatouillées, que rien, disent-ils, ne les enflamme comme la solitude et le silence,