Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/219

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reconnues fétides ou impures ; et tu te surprends de même que nos facultés voluptueuses puissent être ébranlées par des actions qui, selon toi, ne portent que l’emblème de la férocité ; analysons l’un et l’autre de ces goûts, et tâchons, s’il se peut, de te convaincre qu’il n’est rien au monde de plus simple que les plaisirs qui en résultent :

Il est, prétends-tu, singulier que des choses sales et crapuleuses puissent produire dans nos sens l’irritation essentielle au complément de leur délire ; mais, avant que de s’étonner de cela, il faudrait sentir, chère fille, que les objets n’ont de prix à nos yeux que celui qu’y met notre imagination ; il est donc très-possible, d’après cette vérité constante, que non-seulement les choses les plus bizarres, mais mêmes les plus viles et les plus affreuses, puissent nous affecter très-sensiblement ; l’imagination de l’homme est une faculté de son esprit, où, par l’organe de ses sens, vont se peindre, se modifier les objets, et former ensuite ses pensées, en raison du premier apperçu de ces objets ; mais cette imagination résultative elle-même de l’espèce d’organisation dont est doué l’homme, n’adopte les objets reçus que de telle ou telle manière, et