Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/220

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ne crée ensuite les pensées que d’après les effets produits par le choc des objets apperçus. Qu’une comparaison facilite à tes yeux ce que j’expose ! N’as-tu pas vu, Justine, des miroirs de formes différentes, quelques-uns qui diminuent les objets, d’autres qui les grossissent, ceux-ci qui les rendent affreux, ceux-là qui leur prêtent des charmes ? T’imagines-tu maintenant que si chacune de ces glaces unissait la faculté créatrice à la faculté objective, elle ne donnerait pas du même homme qui se serait regardé dans elle, un portrait tout-à-fait différent, et ce portrait ne serait-il pas, en raison de la manière dont elle aurait apperçu l’objet ; si aux deux facultés que nous venons de prêter à cette glace, elle joignait maintenant celle de la sensibilité, n’aurait-elle pas pour cet homme vu par elle de telle ou telle manière, l’espèce de sentiment qu’il lui serait possible de concevoir pour la sorte d’être qu’elle aurait apperçu ? la glace qui l’aurait vu affreux, le haïrait ; celle qui l’aurait vu beau, l’aimerait, et ce serait pourtant toujours le même individu.

Telle est l’imagination de l’homme, Justine ; ce même objet s’y représente sous autant