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produisent des idées en nous ; ce n’est qu’en conséquence des mouvemens imprimés à notre corps que notre cerveau se modifie ou que notre ame pense, veut et agit. Notre esprit pourrait-il donc s’exercer sur autre chose que ce qu’il connaît ? et peut-il connaître autre chose que ce qu’il a senti ? Tout nous prouve, de la manière la plus convaincante, que l’ame agit et se meut d’après les mêmes loix que celles des autres êtres de la nature, qu’elle ne peut-être distinguée du corps, qu’elle naît, s’accroît, se modifie dans les mêmes progressions que lui, et que par conséquent elle périt avec lui. Toujours dépendante du corps, vous la voyez passer par les mêmes gradations ; inepte dans l’enfance, vigoureuse dans l’âge mûr, glacée dans la vieillesse, sa raison ou son délire, ses vertus ou ses vices, ne sont jamais que le résultat des objets extérieurs et de leurs effets sur les organes matériels. Comment, avec d’aussi fortes preuves de l’identité de l’ame avec le corps, a-t-on jamais pu s’imaginer que cette portion d’un même individu jouissait de l’immortalité, pendant que l’autre périssait. Les imbécilles ! après avoir fait de cette ame qu’ils fabriquaient à leur guise un être simple, inétendu, dépourvu