Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/310

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restait plus d’autre moyen pour atteindre au but que celui de la ruse et de la perfidie ; je me pressai ; mon élève pouvait recevoir de son imagination les conseils d’une jouissance dont je voulais cueillir les prémices, et je ne lui aurais jamais pardonné : les rendez-vous avaient lieu dans un cabinet assez près de ma chambre pour qu’au moyen d’une ouverture pratiquée dans la cloison j’en pusse discerner les détails ; je me gardai bien de prévenir Sulpice ; il se serait peut-être composé, et je voulais prendre la nature sur le fait. Quelle ardeur ! quel tempéramment d’une part ! que de grâces ! que de fraîcheur ! que de beautés de l’autre ! Oh ! Michel-Ange, tels auraient dû être tes modèles, quand ton pinceau savant nous peignit l’Amour et Psyché, Vous jugez de ma situation ; je n’ai pas besoin de vous la détailler. Ce n’était pas à mon âge que l’on pouvait voir un tel spectacle de sang-froid ; mon vit était dans un tel état, qu’il frappait seul contre la cloison, comme pour marquer le désespoir où le mettaient les digues qu’on opposait à ses desirs : ne voulant pas le laisser languir long-tems, je guète dès le lendemain le moment le plus chaud d’une séance qui se renouvelait tous les jours ; j’entre