Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

constances, je n’aurais jamais pensé que l’instituteur de vos enfans devint l’individu chargé par vous de les flétrir et de les démoraliser. Voilà, me dit Moldane, comme tu saisis mal le véritable sens du mot morale. La vraie morale, mon ami, ne saurait s’écarter de la nature ; c’est dans la nature qu’est le seul principe de tous les préceptes moraux ; or, comme c’est elle qui nous inspire tous nos écarts, il ne saurait y en avoir un seul d’immoral : s’il y a des êtres dans le monde dont la jouissance et les prémices me soient dévolus, je crois que ce sont bien ceux qui tiennent l’existence de moi. Eh bien, monsieur, dis-je en variant tout de suite mes idées, et ne renonçant momentanément à mes projets de vengeance que pour les rendre plus délicieux, oui, vous serez satisfait demain, vos enfans seront prévenus, et nous pourrons nous livrer tous deux dans leurs bras à tout ce que le libertinage peut avoir de plus piquant au monde. Je tins parole ; Sulpice et Joséphine, un peu surpris de ce que je leur annonçais, promirent néanmoins la condescendance la plus entière aux fantaisies de leur papa, le plus profond secret sur tout ce qui s’était passé entre nous, et la plus belle de toutes les journées vint éclairer la plus délicieuse des scènes.