Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/32

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étendue de cette opinion : elle contient le fort, elle console le faible ; en fallait-il plus pour la propager ! Par-tout les hommes se ressemblent, et par-tout avec les mêmes faiblesses ils doivent avoir les mêmes erreurs. La nature ayant inspiré à tous les hommes le plus vif amour pour leur existence, l’éternité de cette existence devint un desir nécessaire ; ce desir se convertit bientôt en certitude, et plus promptement encore en dogme. Il était facile de présumer que des hommes ainsi disposés, devaient écouter avidement tout ce que leur annonçait ce systême ; mais le desir d’une chimère peut-il jamais devenir la preuve incontestable de la réalité de cette chimère ? Nous desirons de même la vie éternelle des corps, et cependant ce desir est frustré : pourquoi celui de la vie de notre ame ne le serait-il pas de même ? Les réflexions les plus simples sur la nature de cette ame devraient nous convaincre que l’idée de son immortalité n’est qu’une illusion. Qu’est-ce en effet que cette ame, si-non le principe de la sensibilité ? qu’est-ce que penser, jouir, souffrir, si-non sentir ? qu’est-ce que la vie, si-non l’assemblage de ces différens mouvemens propres à être organisés ? Ainsi, dès que le corps cesse