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de vivre, la sensibilité ne peut plus s’exercer, il ne peut plus y avoir d’idées, ni par conséquent de pensées ; les idées ne peuvent donc nous venir que des sens ; or, comment veut-on qu’une fois privés de ces sens, nous ayons encore des idées ? Puisqu’on fait de l’ame un être séparé du corps animal, pourquoi n’a-t-on pas fait de la vie un être distingué du corps vivant ? la vie est la somme des mouvemens de tout le corps ; le sentiment et la pensée font une partie de ces mouvemens ; ainsi, dans l’homme mort ces mouvemens cesseront comme tous les autres ; et par quel raisonnement en effet prétendrait-on nous prouver que cette ame qui ne peut sentir, penser, vouloir, agir qu’à l’aide de ses organes, puisse avoir de la douleur ou du plaisir, ou même, avoir la conscience de son existence, lorsque les organes qui l’en avertissaient seront décomposés ? N’est-il pas évident que l’ame dépend de l’arrangement des parties du corps, et de l’ordre suivant lequel ces parties concourent à faire leurs fonctions ? Ainsi, la structure organique une fois détruite, nous ne pouvons douter que l’ame ne le soit aussi. Ne voyons-nous pas, durant tout le cours de notre vie, que cette ame est altérée, déran-