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gée, troublée par tous les changemens qu’éprouvent nos organes ; et l’on a l’extravagance d’imaginer qu’il faut que cette ame agisse, pense, subsiste, lorsque ces mêmes organes auront entièrement disparu ! Quelle absurdité !

L’être organisé peut se comparer à une horloge qui, brisée une fois, n’est plus propre aux usages auxquels elle était destinée. Dire que l’ame sentira, pensera, jouira, souffrira après la mort du corps, c’est prétendre qu’une horloge, cassée en mille pièces, peut continuer à marquer les heures. Ceux qui nous disent que notre ame peut subsister, nonobstant la destruction du corps, soutiennent évidemment que la modification d’un corps pourra se conserver, après que le sujet en aura été détruit.

O mon enfant ! persuade-toi donc bien qu’après ta mort tes yeux ne verront plus, tes oreilles n’entendront plus ; du fond de ton cercueil, tu ne seras plus le témoin de ces scènes, que ton imagination te représente aujourd’hui sous des couleurs si noires ; tu ne prendras plus de part à ce qui se passera dans le monde ; tu ne seras pas plus occupée de ce qu’on fera de tes cendres, que tu ne pouvais l’être la veille de ta naissance de la sorte