Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/35

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d’organes que tu allais recevoir de la nature. Mourir, c’est cesser de penser, de sentir, de jouir, de souffrir ; tes idées périront avec toi ; tes peines et tes plaisirs ne te suivront point dans la tombe ; envisage donc la mort d’un œil paisible, non pour alimenter tes craintes et ta mélancolie, mais pour t’accoutumer à la voir d’un œil calme, et pour te rassurer contre les fausses terreurs que les ennemis de ton repos travaillent à t’inspirer.

Oh ! monsieur, dit Justine, combien ces idées sont tristes ! celles que j’ai reçues dans mon éducation ne sont-elles pas plus consolantes ? — Mais la philosophie, Justine, n’est point l’art de consoler les faibles ; elle n’a d’autre but que de donner de la justesse à l’esprit, et d’en déraciner les préjugés. Je ne suis point consolant, moi, Justine ; je suis vrai. Si j’avais envie de te consoler, je te dirais, par exemple, qu’ainsi que les autres femmes de mon sérail, les portes te seront ouvertes aussi-tôt que tu m’auras fait un enfant. Je ne te le dis pas, parce que je ne veux point te tromper ; tu tiens mon secret, ce malheur-là t’assure une éternelle captivité. Regarde-toi donc, ma chère, comme déjà dans le cercueil que je te peignais tout-