Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/345

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est-ce-là ce que tu m’avais promis en me séduisant ? — Moi, de l’amour pour une femme ! je te l’ai déjà dit mille fois, ma fille ; tu te tromperais, si tu me soupçonnais une telle faiblesse. À l’égard des moyens que j’ai employé pour te séduire, ce sont ceux de tous les suborneurs ; il faut tromper la bête qu’on veut prendre, et ce n’est pas pour rien qu’on graisse l’hameçon. Joséphine pleura, et je ne la consolai point. Il n’y a personne au monde qui soit endurci comme moi aux jérémiades des femmes ; je m’en amuse souvent, et ne les partage jamais. Cependant, comme je bandais très-ferme, que la route m’avait prodigieusement échauffé, et qu’il n’y avait rien là qui pût appaiser mes feux, je fis faire volte-face à ma compagne de route, et lui campai le vit dans le derrière, où je le promenai, jusqu’à ce qu’il eût eu le tems d’y lancer deux ou trois décharges.

Je déculais à peine, que nous entendîmes de grands coups de fouet dans l’auberge, qui nous annoncèrent l’arrivée d’un courrier : j’ouvre la porte. Il est ici, il est ici, entends-je crier ; nous en sommes sûrs ; nous le suivons depuis Bordeaux. À ce discours, Joséphine pensa s’évanouir ; pour moi, calme, comme