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vages, et à la manière des sauvages, que l’on doit se vautrer dans le bourbier de la luxure ; si l’on se rappelle ses forces, ou les faveurs de la fortune, ce ne doit être que pour en abuser. — Oh ! monseigneur, voilà des maximes qui sentent furieusement la tyrannie… la férocité. — Mais le véritable libertinage, dit le prince, doit toujours marcher entre ces deux vices ; rien n’est aussi despote que lui ; et voilà pourquoi cette passion n’est vraiment délicieuse que pour ceux qui, comme nous autres princes, sont revêtus de quelque autorité. — Vous concevez donc du plaisir à abuser de cette autorité ? — Je vais plus loin ; j’affirme qu’elle n’est agréable que par l’abus qu’on a l’esprit d’en faire. Mon ami, tu me parais assez riche, assez bien organisé, pour que je te révèle sur cela les mystères du machiavélisme. Souviens-toi que la nature même a voulu que le peuple ne fût, dans les mains du monarque, que la machine de son autorité ; qu’il n’est bon qu’à cela ; qu’il n’est créé faible et bête que pour cela, et que tout prince qui ne l’enchaîne et ne l’humilie pas, pèche décidément contre les intentions de la nature. Quel est alors le fruit de la nonchalance du souverain ? Un déchaînement universel, tous