Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/55

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vous à lui dire ? — Un saint devoir m’amène m’est-il permis de le remplir ? je serai remise de toutes les fatigues que j’ai essuyées pour parvenir en cette solitude, si je peux me jeter aux pieds de la miraculeuse vierge dont on y conserve l’image. Le frère ouvre et pénètre seul ; mais comme il est tard et que les pères soupent, il ne revient pas d’une demi-heure. Tenez, dit-il en reparaissant, suivi d’un religieux, voilà Dom Clément, l’économe ; il vient voir si ce que vous desirez vaut la peine d’interrompre le supérieur.

Clément, dont le nom peignait on ne saurait moins la figure, était un homme de quarante-cinq ans, d’une grosseur énorme, d’une taille gigantesque, le sourcil noir et épais, la barbe fort rude, le regard sombre, farouche, méchant, sournois, ne s’exprimant qu’avec des mots durs, élancés par un organe rauque, une vraie figure de satyre… Il fit trembler Justine ; et sans qu’il lui fut possible de s’en défendre, le souvenir de ses anciens malheurs vint s’offrir en traits de sang à sa mémoire troublée… Que voulez-vous, lui dit le moine, du ton le plus rébarbatif ? est-ce là l’heure de venir dans une église ! Vous avez bien l’air d’une aventu-