Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/13

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dent, dis-je à Alberoni, en lui appliquant le bout d’un pistolet sur la tempe, et sans lui donner le tems de prononcer un mot, comment as-tu pu faire la bêtise de confier à-la-fois aux mains d’un homme que tu ne connais pas, et ta maîtresse et ton argent ? Déposes promptement celui dont tu es chargé, et vas porter au sein des enfers l’éternel remords de ton imprudence, Alberoni veut faire un mouvement, je l’étends à mes pieds ; Héloïse tombe évanouie.

Oh ! sacre-Dieu, me dis-je alors, me voilà donc, par le plus délicieux des crimes, maître d’une fille charmante et d’une bonne somme ; amusons-nous maintenant ; d’autres que moi, eussent peut-être profité de l’évanouissement de leur victime pour en jouir avec plus de calme ; je pensais bien différemment : j’eusse été désolé crue cette malheureuse n’eut pas eu la possession de tous ses sens, afin de mieux goûter son infortune. Ma perfide imagination lui préparait d’ailleurs quelques épisodes, dont je voulais lui faire avaler le calice jusqu’à la lie. Quand on fait tant que de commettre le mal, il faut que ce soit avec toute l’extension… tout le raffinement dont il est susceptible.