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m’excitait, ou dirigeait des scènes de lubricité, dont ses plus jolies filles devenaient les premières actrices. J’avais heureusement trouvé, dans cette Clementia, toutes les qualités nécessaires au genre de vie féroce et crapuleux que j’adoptais. La coquine était méchante, luxurieuse, intempérante, athée ; elle avait, en un mot, tous mes vices, et nulle autre vertu que celle de m’être incroyablement attachée, et de me servir à merveille. Je menais donc dans ce château, par les soins de cette charmante fille, la vie du monde la plus délicieuse et la plus analogue à mes goûts, lorsque l’inconstance, à-la-fois le fléau et l’ame de tous les plaisirs, vint m’arracher à ce séjour paisible, pour me replacer sur le grand théâtre des aventures de ce monde.

On se blase quand les difficultés n’irritent plus les jouissances ; on veut les augmenter par des peines ; ce n’est vraiment que par elles que l’on parvient aux grands plaisirs. Je laissai Clementia dans mon château, et revins m’établir à Messine. Le bruit qu’un riche garçon venait habiter cette capitale se répandit bientôt, et m’ouvrit les portes de tous les palais où il y avait des filles à marier : je découvris promptement l’intention, et résolus de m’en amuser.