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quelquefois j’envisageais les murs du sérail, aux pieds desquels je travaillais, et je me dirais. — O Jérôme ! et toi aussi tu as eu un sérail, et de délicieuses victimes qui le peuplaient ; et te voilà, par ta faute, réduit à servir ceux que tu rivalisais.

Un soir que je me livrais à ces tristes réflexions, je vois un billet tomber à mes pieds, je me hâte de le ramasser : Dieu ! quelle est ma surprise, en y reconnaissant l’écriture et le nom de Joséphine… de cette infortunée que j’avais vendue à Berlin, avec la certitude qu’elle ne m’était achetée que pour devenir la victime d’un meurtre de débauche.

« Il est délicieux de rendre le bien pour le mal (me disait Joséphine dans ce billet) : vous m’avez crue victime de la rage d’un scélérat, et vous m’avez livrée, pour que je la devinsse ; mon étoile m’a préservé du sort affreux que vous me destiniez ; mais si vraiment je la crois heureuse, c’est au moment où elle me met à même de briser vos fers ; demain à la même heure vous recevrez, pour gage de mes sentimens éternels, une bourse

    moins de moyens ; mais leur indestructible germe est toujours égal. Il accroît même au lieu de s’affaiblir.