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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/216

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Un an se passa de cette manière, pendant lequel deux des filles qu’avait trouvé Justine en arrivant furent traitées comme la malheureuse Suzanne, et remplacées par de nouvelles ; une troisième disparut encore : mais quel fut l’étonnement de Justine, en voyant celle qui allait prendre le rang de cette dernière victime !… c’était madame Delisle, l’hôtesse intéressante chez qui Justine s’était séparé de l’infâme catin qui ne l’avait sortie du repaire des mendians que pour la prostituer dans Lyon. — Oh ! madame, s’écria Justine en la voyant… vous que la nature a créée si douce et si bonne, à quel sort vous voilà réduite ! Est-ce donc ainsi que le ciel récompense la sagesse, l’hospitalité, la bienfaîsance, et toutes les vertus qui font le bonheur des hommes ?

Les charmes de madame Delisle avaient tellement échauffé Roland, qu’il lui avait fait faire son entrée au caveau dès le même soir de son arrivée. On imagine aisément qu’elle n’avait pas été plus ménagée que Justine ; elle en revint dans un état cruel, et ce fut une consolation pour toutes deux de pouvoir au moins pleurer leur malheur ensemble. Oh ! mon aimable dame, répondait Justine aux détails que la Delisle lui faisait des horreurs