Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/217

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qu’elle venait d’éprouver, que ne donnerais-je pas pour vous rendre tous les bienfaits que j’ai reçus de vous ! mais, hélas ! malheureuse moi-même, à quoi puis-je vous être bonne ? ah ! si je pouvais briser mes fers, comme je me hâterais de rompre les vôtres ! j’aurais plus de plaisir à vous rendre libre, qu’à le devenir moi-même… Oh, Dieu ! vaine espérance, nous ne sortirons jamais d’ici. L’infâme, répondait Delisle, il ne m’a traité ainsi que parce qu’il me doit. Il y a trois ans qu’il dépense des sommes considérables dans ma maison, sans jamais payer. Dernièrement il m’engage à une promenade ; j’ai la faiblesse d’y consentir : deux de ses gens m’attendaient au coin d’un bois ; ils m’ont garotté… intercepté la respiration, et conduite ici, derrière un mulet, enveloppée dans un manteau. — Et votre famille ? — Je n’ai qu’un enfant en bas âge ; mon mari mourut l’an passé, et je suis orpheline ; le monstre était bien au fait de toutes ces particularités, et voilà d’où vient qu’il a cru pouvoir abuser de ma situation. Que va faire ma malheureuse petite fille ? sans secours… sans protection, livrée à une servante qui m’attend… que tout cela va-t-il devenir ? J’ai supplié ce malhonnête homme de