Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/27

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Le croira-t-on ? le corps de cette belle femme est mis au milieu de la table ; on sert autour le plus magnifique souper. Voilà comme j’aime le plaisir, dit Verneuil ; si celui qui veut le goûter n’écarte pas tous les freins, il ne l’atteindra jamais… Qu’il est délicieux de se repaître ainsi du crime que l’on vient de commettre !… voilà comme il est bon le crime ; c’est en le savourant, c’est en se délectant de ses suites… Oh ! mes amis, à quel point la férocité à l’art puissant d’aiguillonner les plaisirs !… La voilà pourtant celle qui vivait il y a une heure… qui nous entendait… qui nous redoutait… qui nous implorait… Un moment a tout terminé ; et cette créature, si sensible il n’y a qu’un instant, n’est maintenant plus qu’une masse informe qu’ont désorganisée nos passions… Oh ! qu’elles sont belles et grandes les passions qui conduisent à de tels écarts ! que leur élan est majestueux ?… qu’il est noble et sublime ! S’il était vrai qu’il existât un Dieu, n’en serions-nous pas les rivaux, en détruisant ainsi ce qu’il aurait formé ? Oh ! oui, oui, je le soutiens, le meurtre est la plus grande, la plus belle, la plus délicieuse de toutes les actions où l’homme puisse se livrer… Eh bien, mes amis, où est-elle cette ame merveilleuse,