Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/81

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machine va tout aussi mal, que si je n’épuisais pas mon imagination en ressources, et mon crédit en opérations. J’ai donc besoin d’une femme leste, jeune, intelligente, qui, ayant elle-même passé par les épineux sentiers de la misère, connaisse mieux que qui que ce soit les moyens de débaucher celles qui y sont ; une femme, dont les yeux pénétrans devinent l’adversité dans ses greniers les plus obscurs, et dont l’esprit suborneur en détermine les victimes à se tirer de l’oppression par les sentiers que j’applanis ; une femme spirituelle enfin, sans scrupule comme sans pitié, qui ne néglige rien pour réussir… jusqu’à couper même le peu de ressources qui, soutenant encore l’espoir de ces infortunées, les empêche de se résoudre. J’en avais une excellente et sûre ; elle vient de mourir. On, n’imagine pas jusqu’où cette délicieuse créature portait l’effronterie : non-seulement elle isolait ces victimes, au point de les contraindre à venir l’implorer à genoux ; mais, si ces moyens ne lui succédaient pas assez tôt pour accélérer les chûtes, la scélérate allait jusqu’à voler ces misérables : c’était un trésor. Il ne me faut que deux sujets par jour ; elle m’en eût donné dix, si je les eusse voulu. Il