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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 5, 1797.djvu/101

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devons en foulant aux pieds les unes et les autres, nous persuader intimement qu’il n’est de mal à rien ; mais nous reviendrons sur tous ces objets, et je me flatte de te convaincre en morale, comme je crois t’avoir persuadée en religion. Mettons maintenant nos principes en pratique, et après t’avoir démontré que tu peux tout faire sans crime, commettons tant soit peu de crimes, pour nous convaincre que l’on peut faire tout.

Électrisée par ces discours, je me jette dans les bras de mon amie ; je lui rends mille et mille graces des soins qu’elle veut bien prendre de mon éducation. Je te devrai bien plus que la vie, ma chère Delbène, m’écriai-je ; qu’est-ce que l’existence sans la philosophie ? Est-ce la peine de vivre quand on languit sous le joug du mensonge et de la stupidité ? Va, poursuivis-je avec chaleur, je me sens digne de toi maintenant, et c’est sur ton sein que je fais le serment sacré de ne jamais revenir aux chimères que ta tendre amitié vient de détruire en moi ; continue de m’instruire, de diriger mes pas vers le bonheur ; je me livre à tes conseils ; tu feras de moi ce que tu voudras, bien sûre, que tu n’auras jamais eu d’écolière, ni