Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 5, 1797.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus ardente, ni plus soumise que Juliette.

La Delbène était dans l’ivresse ; il n’est point, pour un esprit libertin, de plaisir plus vif que celui de faire des prosélytes. On jouit des principes qu’on inculque, mille sentimens divers sont flattés en voyant les autres se gangréner à la corruption qui nous mine. Ah ! comme on chérit cette influence obtenue sur leur ame, unique ouvrage de nos conseils et de nos séductions. Delbène me rendit tous les baisers dont je l’accablais ; elle me dit que j’allais devenir une fille perdue comme elle, une fille sans mœurs, une athée, et qu’unique cause de mon désordre, elle aurait à répondre devant Dieu de l’ame qu’elle lui enlevait, et ses caresses devenant plus ardentes, nous allumâmes bientôt le feu des passions, au flambeau de la philosophie.

Tiens, me dit Delbène, puisque tu veux être dépucelée, je vais te satisfaire à l’instant. Ivre de luxure, la friponne s’arme aussitôt d’un godmiché, elle me branle pour endormir en moi la douleur qu’elle va, dit-elle, me causer, et me porte ensuite des coups si terribles, que mon pucelage disparut au second bond. On ne se peint point ce que je