Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 5, 1797.djvu/190

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commettions, et tu m’accusais de manquer de pitié pour cette pauvre Laurette sacrifiée à nos débauches.

Oh ! Juliette, sois-en bien certaine, tout est arrangé par la nature, pour être dans l’état où nous le voyons ; a-t-elle donné la même force, les mêmes beautés, les mêmes grâces, à tous les êtres qui sortent de ses mains ; non, sans doute. Puisqu’elle veut des nuances dans les constructions, elle en exige donc dans les sorts et dans les fortunes. Les malheureux que le hazard nous offre, ou que font nos passions, sont dans les plans de la nature, comme les astres dont elle nous éclaire, et l’on fait un mal aussi sûr, en troublant cette sage économie, qu’on en pourrait faire à troubler le cours du soleil, si ce crime était en notre puissance… Mais, interrompis-je ici, si tu étais malheureuse, Delbène, ne serais-tu pas bien aise qu’on te soulageât ?… je saurais souffrir sans me plaindre, me répondit cette stoïque créature, et je n’implorerais les secours de personne ; suis-je à l’abri des maux de la nature, et si je n’ai pas la misère à craindre, n’ai-je pas la fièvre, la peste,