Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 5, 1797.djvu/221

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viez plus sans injustice. Si vous poussez un valet sur un vase précieux, et que de sa chute il brise ce vase, vous n’êtes plus en droit de le punir de sa maladresse ; vous ne devez vous en prendre qu’à la cause qui vous a contraint à le pousser. Lorsque ce malheureux cultivateur, réduit à l’aumône par l’immensité des taxes que vous lui imposez[1], abandonne sa charrue, s’arme et va vous attendre sur le grand chemin, si vous punissez cet homme, certes, vous commettez une grande infamie ; car, ce n’est pas lui qui a manqué, il est le valet poussé sur le vase ; ne le poussez pas, il ne brisera rien ; et si vous le poussez, ne vous étonnez pas qu’il brise. Ainsi, ce malheureux, en allant vous voler, ne commet donc point un crime, il tâche à rentrer dans des biens que vous lui avez précédemment usurpé, vous ou les vôtres ; il ne fait rien que de naturel ; il

  1. Il est évident que Juliette ne fait parler ici son orateur, que des paysans de l’ancien régime : la misère pressait quelquefois ceux-là, mais ceux d’aujourd’hui, gonflés de luxe et d’insolence, ne peuvent plus servir pour l’exemple. (Note de l’éditeur.)