Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 5, 1797.djvu/263

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que celle qu’elle venait d’éprouver, si elle ne s’acquitait pas bien de la besogne. Noirceuil a de l’esprit, vous le savez, personne ne raisonne ses égaremens comme lui ; je voulus hasarder quelques reproches sur sa conduite envers sa femme ; rien n’est injuste, leur dis-je, comme ce que vous faites éprouver à cette pauvre créature… Oui, cela est fort injuste, reprit Noirceuil ; mais uniquement par rapport à ma femme, je vous réponds que relativement à moi, rien n’est équitable comme ce que je fais avec elle, et la preuve en est, qu’il n’est rien au monde qui me délecte autant. Toutes les passions ont deux sens, Juliette, l’un très-injuste, relativement à la victime ; l’autre singulièrement juste, par rapport à celui qui l’exerce. Cet organe des passions, tout injuste qu’il est, eu égard aux victimes de ces passions, n’est pourtant que la voix de la nature ; c’est sa main seule qui nous donne ces passions ; c’est sa seule énergie qui nous les inspire ; cependant elles nous font commettre des injustices. Il y a donc des injustices nécessaires dans la nature ; et ses loix dont les motifs seuls nous sont inconnus, exigent donc une somme de vice, au moins