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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 5, 1797.djvu/266

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persuadé que la vertu n’a nulle existence réelle, je découvrirai facilement, que ce n’est point elle qui combat en moi, mais que cette faible voix qui se fait entendre un instant, n’est que celle de l’éducation et du préjugé ; cela fait, je compare les jouissances, je fais précéder celle de la vertu, et la savoure dans toute son étendue. Quel défaut de mouvement ! quelle glace ! rien ne m’émeut là ; rien ne m’agite ; et en analisant avec justesse, je reconnais que la jouissance est toute entière pour celui que j’ai servi, et que je ne retire en retour de lui, qu’une froide reconnaissance ; je le demande ; est-ce là jouir ? Quelle différence dans le parti contraire ! Comme mes sens sont chatouillés, comme mes organes sont émus ; rien qu’en caressant l’idée de l’égarement que je projette, un feu divin circule dans mes veines, une espèce de fièvre me saisit ; le délire où cette idée me plonge répand une illusion délicieuse sur toutes les faces de mon projet ; je le complotte, il me délecte ; j’en examine toutes les branches, je suis enivré ; ce n’est plus la même vie ! Ce n’est plus la même ame qui me meut ;