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losophe, avec toute l’énergie de la persuasion, ô ma chère amie, n’en doute pas, nous mourons tout entiers, et le corps humain, après que la parque a coupé le fil, n’est plus qu’une masse incapable de produire les mouvemens dont l’assemblage constituait la vie ; on n’y voit plus alors ni circulation ni respiration, ni digestion, ni parole, ni pensée ; on prétend que, pour lors, l’ame s’est séparée du corps ; mais dire que cette ame, qu’on ne connaît point, est le principe de la vie, c’est ne rien dire, sinon qu’une force inconnue est le principe caché de mouvemens imperceptibles ; rien de plus naturel et de plus simple que de croire que l’homme mort n’est plus, rien de plus extravagant que de croire que l’homme mort est encore en vie.

Nous rions de la simplicité de quelques peuples, dont l’usage est d’enterrer les provisions avec les morts ; est-il donc plus absurde de croire que les hommes mangeront après la mort, que de s’imaginer qu’ils penseront, qu’ils auront des idées agréables ou fâcheuses, qu’ils jouiront, qu’ils souffriront, qu’ils éprouveront du repentir ou de la joie, lorsque les organes, propres à leur porter