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des sensations ou des idées, seront une fois dissous et réduits en poussière ? Dire que les ames humaines seront heureuses ou malheureuses après la mort, c’est prétendre que les hommes pourront voir sans yeux, entendre sans oreilles, goûter sans palais, flairer sans nez, toucher sans mains, etc. Des nations qui se croient très-raisonnables adoptent pourtant de pareilles idées !

Le dogme de l’immortalité de l’ame suppose que l’ame est une substance simple, en un mot, un esprit ; mais je demanderai toujours ce que c’est qu’un esprit ?

On m’a appris répondis-je à madame Delbène, qu’un esprit était une substance privée d’étendue, incorruptible, et qui n’a rien de commun avec la matière.

Mais si cela est, reprit avec vivacité mon institutrice ; comment ton ame naît-elle, s’accroît-elle, se fortifie-t-elle, se dérange-t-elle, vieillit-elle dans les mêmes proportions que ton corps ?

À l’exemple de tous les sots qui ont eu les mêmes principes, tu me répondras que tout cela sont des mystères ; mais, imbécilles que vous êtes, si ce sont des mystères, vous n’y comprenez donc rien, et si vous n’y