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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/119

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Je suis maîtresse des affections de cette ame, de ses désirs… de ses mouvemens ; chez moi tout est aux ordres de ma tête ; et c’est ce qu’il y a de pis, continua-t-elle, car cette tête est bien détestable ; mais je ne m’en plains pas, j’aime mes vices, j’abhorre la vertu ; je suis l’ennemi jurée de toutes les religions, de tous les Dieux, je ne crains ni les maux de la vie, ni les suites de la mort, et quand on me ressemble, on est heureux. Douée d’un tel caractère, il était facile de voir que madame de Clairwil n’avait que des adulateurs, et fort peu d’amis ; elle ne croyait pas plus à l’amitié qu’à la bien-faisance, et pas plus aux vertus qu’aux Dieux. Joignez à tout cela des richesses énormes, une très-bonne maison à Paris, une délicieuse campagne, tous les moyens du luxe… Le plus bel âge, une santé de fer. Ou il n’y a point de bonheur en ce monde, ou l’individu qui réunit tous ces agrémens, peut se flatter de le posséder.

Madame de Clairwil s’ouvrit à moi, dès le premier abord, avec une franchise qui m’étonna dans une femme, qui, comme je viens de vous le dire, avait si bien l’orgueuil de sa supériorité ; mais je dois lui rendre la