Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle est dangereuse ; et que ce qu’on peut faire de mieux, est de la supprimer. Ce n’est donc point non seulement un crime de tuer son père, mais c’est une excellente action ; c’est une action méritoire envers soi-même, qu’elle sert ; méritoire envers la nature quelle décharge d’un poids onéreux ; et digne d’éloge, puisqu’elle suppose un homme assez énergique, assez philosophe pour s’être préféré lui, qui peut être utile aux hommes, à ce vieillard, qui n’en était plus qu’oublié. Vous allez donc faire une excellente action, Juliette, en détruisant l’ennemi de votre amant, qui, sans doute, sert l’état, aussi bien qu’il puisse le faire ; car, s’il se permet quelques petites prévarications, Saint-Fond n’en est pas moins un fort grand ministre ; il aime le sang, son joug est dur, il croit le meurtre utile au maintien de tout gouvernement. A-t-il tort ; Sylla, Marius, Richelieu, Mazarin, tous les grands hommes ont-ils pensé différemment ? Machiavel donna-t-il d’autres principes ? N’en doutons pas ; il faut du sang, sur-tout au soutien des gouvernemens monarchiques ; le trône des tyrans doit en être cimenté, et Saint-Fond est loin de faire répandre tout celui qui devrait