Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/253

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raient. Les convives arrivèrent. Le premier était un vieux conseiller au parlement d’environ 60 ans, qui s’appelait d’Erville, il avait pour maîtresse une femme de quarante ans, fort belle, et n’ayant d’autre défaut qu’un peu trop d’embonpoint, on la nommait md. du Cange. Le second était un militaire retiré de 45 à 50 ans, qui s’appelait Desprès, sa maîtresse était une très jolie personne, de 26 ans, blonde et le plus joli corps, qu’on puisse voir, elle se nommait Marianne ; le troisième était un vieux abbé de 60 ans, qu’on nommait du Coudrais et dont la maîtresse était un jeune garçon de 16 ans, beau comme le jour et qu’il faisait passer pour son neveu. On servit dans les entresols, dont j’occupais une partie, le repas fut aussi gai que délicat et je remarquai que la demoiselle et le jeune garçon étaient à-peu-près au même régime que moi ; les caractères s’ouvrirent pendant le souper, il était impossible d’être plus libertin que ne l’était d’Erville, ses yeux, ses propos, ses gestes, tout annonçait la débauche, tout peignait le libertinage. Desprès avait l’air plus de sens-froid, mais la luxure n’en était pas moins l’âme de sa vie, pour l’abbé c’était le plus fier athée qu’on pût voir, les blasphèmes volaient sur ses lèvres presque chaque parole ; quant aux demoiselles, elles imitaient leurs aimants, elles étaient babillardes et néanmoins des têtes assez agréables, pour le jeune homme il me parut aussi sot qu’il était joli et la Ducange qui en paraissait un peu férue avait beau lui lancer de temps à autre de tendres regards, à peine avait-il l’air de s’en douter. Toutes les bienséances se perdirent au dessert et les propos devinrent aussi sales que les actions, d’Erville féli-