Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/286

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chance de le posséder, et le chatouillement délicieux qu’on éprouve toujours chaque fois, qu’on projette une mauvaise action, pronostic certain du plaisir qu’elle donnera, ne me livrais qu’à tout cela, dis-je, je campai sur-le-champ les deux prises dans un verre d’eau et présentai le breuvage à ma douce amie, qui l’avalant avec sécurité y trouva bientôt la mort que j’avais tâchée de lui procurer. Je ne puis vous peindre, ce que je sentis, quand je vis réussir mon ouvrage. Chacun des vomissements par lesquels s’exhalait sa vie, produisait une sensation vraiment délicieuse sur toute mon organisation, je l’écoutais, je la regardais, j’étais exactement dans l’ivresse, elle m’étendait son bras, elle m’adressait un dernier adieu et je jouissais et je formais déjà mille projets avec cet or que j’allais posséder. Ce ne fut pas long, la Fournier creva dès le même soir et je me vis maîtresse de l’argent.165) — „Duclos,“ dit le duc, „sois vraie, te branlas-tu, la sensation fine et voluptueuse d’un crime atteignait-elle l’organe de la volupté ?“ — „Oui, mgr., je vous l’avoue, et j’en déchargeai 5 fois de suite dès le même soir.“ — „Il est donc vrai,“ dit le duc, en s’écriant, „il est donc vrai que le crime a par lui-même un tel attrait, qu’indépendamment de toute volupté il peut suffire à enflammer toutes les passions et à jeter dans le même délire que les actes mêmes de la lubricité.“ — „Eh bien — eh bien, mgr., le duc, je fis enterrer honorablement la matrone, héritai du bâtard Pétignon, me gardai bien de faire dire des messes et encore plus de distribuer des aumônes, espèce d’action que j’ai toujours eu en véritable horreur, quelque bien que m’ait pu dire la Fournier ; je maintiens qu’il faut qu’il y