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lière réflexion se présente ici, mais comme elle est vraie malgré sa hardiesse, je la dirai. Une nation qui commence à se gouverner en république, ne se soutiendra que par des vertus, parce que, pour arriver au plus, il faut toujours débuter par le moins ; mais une nation déjà vieille et corrompue, qui courageusement secouera le joug de son gouvernement monarchique pour en adopter un républicain, ne se maintiendra que par beaucoup de crimes ; car elle est déjà dans le crime ; et si elle vouloit passer du crime à la vertu, c’est-à-dire d’un état violent dans un état doux, elle tomberont dans une inertie dont sa ruine certaine seroit bientôt le résultat. Que deviendroit l’arbre que vous transplanteriez d’un terrain plein de vigueur, dans une plaine sablonneuse et sèche ? Toutes les idées intellectuelles sont tellement subordonnées à la physique de la nature, que les comparaisons fournies par l’agriculture ne nous tromperont jamais en morale.

Les plus indépendans des hommes, les plus rapprochés de la nature, les sauvages, se livrent avec impunité journellement au meurtre. À Sparte, à Lacédémone, on alloit à la chasse des Illotes, comme nous allons en France à celle des perdrix ; les peuples les plus libres sont ceux qui

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