grand plaisir pour nous ; avons-nous jamais
éprouvé une seule impulsion de la nature qui
nous conseille de préférer les autres à nous ?
et chacun n’est-il pas pour soi dans le monde ?
Vous nous parlez d’une voix chimérique de
cette nature qui nous dit de ne pas faire aux
autres ce que nous ne voudrions pas qui nous
fût fait ; mais cet absurde conseil ne nous est
jamais venu que des hommes, et des hommes
faibles, l’homme puissant ne s’avisa jamais
de parler un tel langage. Ce furent les premiers
chrétiens, qui journellement persécutés
pour leur imbécille systême, criaient à
qui voulait l’entendre, ne nous brûlez pas,
ne nous écorchez pas, la nature dit qu’il ne
faut pas faire ce que nous ne voudrions pas qui
nous fût fait. Imbécilles, comment la nature
qui nous conseille toujours de nous délecter,
qui n’imprime jamais dans nous d’autres
mouvemens, d’autres inspirations, pourrait-elle
le moment d’après, par une inconséquence
sans exemple, nous assurer qu’il ne
faut pourtant pas nous aviser de nous délecter
si cela peut faire de la peine aux autres ?
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