ah ! croyons-le, croyons-le, Eugénie, la nature,
notre mère à tous, ne nous parle jamais
que de nous, rien n’est égoïste comme
sa voix, et ce que nous y reconnoissons de
plus clair est l’immuable et saint conseil
qu’elle nous donne de nous délecter, n’importe
aux dépens de qui. Mais les autres,
vous dit-on à cela, peuvent se venger… à la
bonne heure, le plus fort seul aura raison.
Eh bien voilà l’état primitif de guerre et de
destruction perpétuelle pour lequel sa main
nous créa, et dans lequel seul il lui est avantageux
que nous soyons.
Voilà, ma chère Eugénie, comme raisonnent ces gens-là, et moi, j’y ajoute, d’après mon expérience et mes études, que la cruauté, bien loin d’être un vice, est le premier sentiment qu’imprime en nous la nature : l’enfant brise son hochet, mord le teton de sa nourrice, étrangle son oiseau bien avant que d’avoir l’âge de raison ; la cruauté est empreinte dans les animaux chez lesquels, ainsi que je crois vous l’avoir dit, les loix de la nature, se lisent bien plus éner-