Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/105

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sauuages que nous croyons, et sont en effect, moins policées que nous. Mais pour nous, qui leur estions estrangers, et arriuez de nouueau, c’estoit beaucoup, de se monstrer si humains que de nous en bastir auec vne si commune et vniuerselle affection, veu qu’ils ne donnent ordinairement rien pour rien aux estrangers, si ce n’est à des personnes qui le meritent, ou qui les ayent bien obligez, quoy qu’ils demandent tousiours, particulierement aux François, qu’ils appellent Agnonha, c’est à dire gens de fer, en leur langue, et les Canadiens et Montagnais nous sur-nomment Mistigoche, qui 98|| signifie en leur langue Canot ou Basteau de bois : ils nous appellent ainsi, à cause que nos Nauires et Basteaux sont faicts de bois, et non d’escorces comme les leurs : mais pour le nom que nous donnent les Hurons, il vient de ce qu’auparauant nous, il ne sçauoient que c’estoit de fer, et n’en auoient aucun vsage, non plus que de tout autre metal ou minerai.

Pour reuenir au paracheuement de nostre Cabane, ils la dresserent enuiron à deux portées de flesche loin du Bourg, en vn lieu que nous-mesmes auions choisi pour le plus commode, sur le costeau d’vn fond, où passoit vn beau et agréable ruisseau, de l’eau duquel nous nous seruions à boire, et à faire nostre Sagamité, excepté pendant les grandes neiges de l’hyuer, que pour cause du fascheux chemin, nous prenions de la neige proche de nous pour faire nostre manger, et ne nous en trouuasmes point mal, Dieu mercy. Il est vray qu’on passe d’ordinaire les sepmaines et les mois entiers sans boire : car ne mangeant iamais rien de salé ny espicé, et son manger quotidien n’estant