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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/203

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et nous trouuans par-fois à genoüils prians Dieu, sans dire mot, il s’agenoüilloit auprès de nous, ioignoit les mains, et ne pouuant d’auantage, il taschoit serieusement de contrefaire nos gestes et postures, remuant les leures, et esleuant les mains et les yeux au Ciel, et y perseueroit iusques à la fin de nos Offices, qui estoient assez longues, et luy aagé d’enuiron soixante et quinze ans. O mon Dieu, que cet exemple deuroit confondre de Chrestiens ! et que nous dira ce bon vieillard Sauuage, non encore baptisé, au iour du jugement, de nous 237|| voir plus negligens d’aymer et seruir vn Dieu, que nous cognoissons, et duquel nous receuons tant de grâces tous les iours, que luy, qui n’auoit iamais esté instruit que dans l’escole de la Gentilité, et ne le cognoissoit encore qu’au trauers les espaisses tenebres de son ignorance ? Mon Dieu, resueillez nos tiedeurs, et nous eschauffez de vostre diuin amour. Ce bon vieillard, plein d’amitié et de bonne volonté, s’offrit encore de venir coucher auec moy dans nostre Cabane, lors qu’en l’absence de mes Confreres i’y restois seul la nuict. Ie luy demandois la raison, et s’il croyoit m’obliger en cela, il me disoit qu’il apprehendoit quelque accident pour moy, particulierement en ce temps que les Yroquoîs estoient entrez dans leurs pays, et qu’ils me pourroient aysement prendre, ou me tuer dans nostre Cabane, sans pouuoir estre secouru de personne, et que de plus les esprits malins qui les inquietoient me pourroient aussi donner de la frayeur, s’ils venoient à s’apparoistre à moy, ou à me faire entendre de leurs voix. Ie le remerciois de sa bonne volonté, et l’asseurois que le n’auois aucune apprehension, ny des Yro-