Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/258

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Nostre Pere Ioseph le Caron m’a raconté dans le pays, qu’hyuernant auec les Montagnais, ils trouuerent dans le creux d’vn tres-gros arbre, un Ours auec ses deux petits, couchez sur quatre ou cinq petites branches de Cedre, enuironnez de tous costez de tres-hautes neiges, sans auoir rien à manger, et sans aucune apparence qu’ils fussent sortis de là pour aller chercher de la prouision, depuis trois mois et plus, que la terre estoit par tout couuerte de ces hautes neiges : cela m’a fait croire auec luy, ou que la prouision de ces animaux estoit faillie depuis peu, ou que Dieu, qui a soin et nourrit les Corbeaux delaissez, n’abandonne point de sa diuine prouidence, ces pauures animaux312||dans la necessité : ils les tuerent sans difficulté, comme ne pouuant s’eschaper, et en firent festin, et pareillement de plusieurs Porcs-espics qu’ils prindrent, en cherchant l’Eslan et le Cerf : pour l’Eslan il est assez commun, comme i’ay dit ; mais le Cerf y est vn peu plus rare, et difficile à prendre, pour la légèreté de ses pieds : neantmoins les Neutres auec leurs petites Raquettes attachées sous leurs pieds, courent sur les neiges auec la mesme vistesse des Cerfs, et en prennent en quantité, lesquels ils font boucaner entiers, apres estre esuentrez, et n’en vuident aucunement la fumée des entrailles, lesquelles ils mangent boucanées et cuites, auec le reste de la chair : ce qui faisoit vn peu estonner nos François, qui n’estoient pas encore accoustumez à ces inciuiletez ; mais il fallait s’accoustumer à manger de tout, ou bien mourir de faim.

Il y a au pays de nos Hurons vne espece de grosses Souris, qu’ils appellent Tachro, vne fois plus grosses que les Souris communes, et moins grosses que les