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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/290

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Après auoir pris langue de quelques Sauuages que nous trouuasmes cabanez à l’escart, nous arriuasmes au port où desia s’estoient portez presque tous les Sauuages du bourg, lesquels auec de grands bruits et huées nous y attendoient en intention de profiter de nos viures, bleds et farines : mais comme ils s’en voulurent saisir, et que desia ils estoient entrez dans nos Canots, ie fis le hola ! et les en fis sortir (car mes gens n’osoient dire mot) et fis tout porter au lieu où nous voulusmes cabaner, vn peu esloigné d’eux, pour euiter leurs trop frequentes visites.

Il ne faut point douter que ces Hon-358||queronons n’estoient pas si simples qu’ils ne vissent bien (comme ils nous en firent quelques reproches) que ie me disois maistre des bleds et farines, par vne inuention trouuée et inuentée par mes gens, pour s’exempter de leur violence et importunité ; mais il leur fallut auoir patience et mortifier leur contradiction : car ils n’osoient m’attaquer ou me faire du desplaisir, de peur du retour, à la traicte de Kebec, où ils vont tous les ans.

Ie dis veritablement, et le repete derechef, que c’est icy le peuple le plus reuesche, le plus superbe et le moins courtois de tous ceux que i’ay veus ; mais aussi est-il le mieux couuert, le mieux matachié et le plus ioly et paré de tous ; comme si à la brauerie estoit inseparablement attachée et coniointe la superbe, la vanité et l’orgueil, mere nourriciere de tout le reste des vices et pechez. Les ieunes femmes et filles semblent des Nymphes, tant elles sont bien accommodées, et des Biches, tant elles sont légères du pied. Nous passasmes le reste du iour à nous caba-