Aller au contenu

Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 253 —

ner, et encor tout le suyuant pour la venue du Truchement Bruslé, qui nous prioit de l’attendre de compagnie : mais nous trou-359||uasmes si peu de courtoisie et de faueur dans ce village, qu’aucun ne nous y voulut pas traicter vn seul morceau de poisson qu’à prix deraisonnable, peut-estre par vn ressentiment qu’ils auoient de ne leur auoir laissé les bleds et farines en leur liberté, comme ils s’estoient promis. Ils ne laissoient pourtant de nous venir voir deuant nostre cabane ; neantmoins plustost pour nous controller et se mocquer de nous, que pour s’instruire de leur salut : car à l’heure du repas me voyant souffler ma Sagamité, pour estre trop chaude, ils s’en prenoient à rire, ne considerans point que ie n’auois pas la langue ny le palais ferré ny endurcy comme eux.

Au partir de ce village, nous allasmes cabaner en vn lieu tres-propre à la pesche, où nous prismes quantité de poissons de diuerses especes, que nous mangeasmes cuits en eauë et rostis : mais il y auoit cela d’incommode que mes gens n’escailloient point celuy qu’ils deminssoient dans la Sagamité, non plus que celuy qui se mangeoit en autre façon, telle estant leur coustume, de sorte qu’à chaque cueillerée de Sagamité qu’on prenoit, il falloit faire estat d’en cracher vne partie dehors, et360||lors qu’ils auoient quelque morceau de viande à deminsser, ils se seruoient de leur pied pour le tenir, et de la main pour la couper.

Les grands orages qu’il fit ce iour-là, et les pluyes continuelles qui durerent iusques au lendemain matin, furent cause que nous logeasmes fort incommodement dans vn lieu marescageux, où d’auenture