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Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/292

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nous trouuasmes vn chien esgaré, que mes Sauuages prirent et tuerent à coups de haches, et le firent cuire pour nostre souper. Comme au chef, ils me presenterent la teste, mais ie vous asseure qu’elle estoit si hideuse, et auoit vne grand’ gueule beante si desagreable, que ie n’eus pas le courage d’en manger, et me contentay d’vn morceau de la cuisse. Au souper du lendemain nous mangeasmes vn’ Aigle, que mes gens m’auoient desnichée, puis deux ou trois autres en autre temps, pour ce que ces oyseaux estoient si lourds à porter, auec les auirons que i’auois desia en ma charge, que ie ne pus les conseruer vn plus long temps, et fallut nous en desfaire.

Le iour suyuant, apres auoir tout porté à 5. ou 6. sauts, et passé par des lieux tres-pe-361||rilleux, nous prismes giste en vn petit hameau d’Algoumequins sur le bord de la riuiere, qui a en cet endroict plus d’vne bonne lieuë de large : le lendemain enuiron l’heure de midy, nous vismes deux Arcs-en-Ciel, fort visibles et apparens, qui tenoient deuant nous les deux bords de la riuiere comme deux arcades, sous lesquelles il sembloit que nous deussions passer. Le soir nos Sauuages mangerent vn’ Aigle, de laquelle ie ne voulus pas seulement prendre du bouillon pour l’amour de nostre Seigneur, et le respect du Vendredy (bien que ie fusse bien foible), de quoy mes gens resterent bien edifiez et satisfaits, que ie ne fisse rien contre la volonté de nostre bon Iesvs. Le matin nous nous mismes sur la riuiere, qui en cet endroict est tres-large, et semble vn lac, couuert par tout d’vn si grand nombre de Papillons morts, que i’eusse auparauant douté s’il y en auroit bien eu autant en