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ESSAI SUR LA NATURE DU FEU.

On comprend moins le succès des deux autres mémoires couronnés, ou plutôt on ne peut en rendre compte que par cette considération qu’ils étaient écrits de façon à flatter l’esprit cartésien de l’Académie. Le père de Fiesc explique tout par de petits tourbillons, et le comte de Créqui par deux courants contraires d’un fluide éthéré qui produisent également un tourbillonnement. Ces tourbillons entraînèrent les juges.

Quant au mémoire de Voltaire, il était en avance sur la physique du temps, et nous y trouvons bien des passages dont la valeur ne pouvait guère alors être appréciée. Condorcet n’hésite point à déclarer qu’il méritait le prix. « Nous avons affirmé, dit-il, que, si l’on met à part la vitesse du son qui fait le principal mérite de la dissertation de M. Euler, l’ouvrage de M. de Voltaire devait l’emporter sur ses concurrents, et que le plus grand défaut de sa pièce fut de n’avoir pas assez respecté le cartésianisme et la méthode d’expliquer qui était alors à la mode parmi les académiciens. »

La dissertation de Voltaire portait pour épigraphe ce distique :

Ignis ubique latet, naturam amplectitur omnem,
Cuncta parit, renovat, dividit, unit, alit.

D’Alembert lui demandait plus tard dans une de ses lettres quel était l’auteur de ces deux vers, et Voltaire répondait : « Mon cher philosophe, ces deux mauvais vers sont de moi. Je suis comme l’évêque de Noyon, qui disait dans ses sermons : Mes frères, je n’ai pris aucune des vérités que je viens de vous dire ni dans l’Écriture ni dans les Pères ; tout cela part de la tête de votre évêque. » Cette raillerie s’applique très-exactement aux physiciens de l’époque, qui prenaient leur physique dans leur tête au lieu de la prendre dans la nature ; mais le