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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

mérite de Voltaire est précisément d’avoir donné dans ce travers beaucoup moins que les autres, et d’avoir nourri sa dissertation d’un certain nombre de faits bien observés.

Ce n’est pas à dire qu’en réagissant contre la tendance générale il s’en soit tout à fait affranchi. Il fait aussi ses théories ; il faut bien qu’il parle de la nature du feu, puisque le programme même le demande, et qu’il en parle sans la connaître, puisqu’on ne connaît guère la nature des choses.

En fait d’hypothèse, il va du moins au plus simple et il ne se met pas en frais d’imagination. Le feu pour lui est un élément, un des quatre éléments qu’admet la tradition, et nous avons déjà dit que Voltaire, contrairement à l’opinion de Newton, se prononçait contre la transmutabilité des éléments. Le feu « ne change donc aucune substance en la sienne propre, et n’est transformé en aucune des substances auxquelles il se mêle. »

Tout de suite Voltaire se demande quelles sont les propriétés de cette substance inaltérable, et d’abord si elle est pesante.

Ici il a recours à l’expérience, et il expérimente sur une grande échelle.

Il va dans une forge, à Chaumont, il fait réformer les balances, remplacer les cordes par des chaînes, afin de ne pas être trompé par le dessèchement du chanvre ; il pèse ensuite depuis une livre jusqu’à deux mille livres de fer ardent et refroidi. Il trouve le même poids pour le métal chaud et pour le métal froid. Il recommence alors ses essais avec de la fonte ; il fait suspendre trois marmites à trois balances très-exactes et fait puiser de la fonte en fusion dans un fourneau ; on porte cent livres de ce feu liquide dans une marmite, trente-cinq livres dans une autre, vingt-cinq livres dans la troisième. Au bout de six heures, il constate qu’en se refroidissant la pre-