Page:Saint-Amand - Madagascar, 1857.djvu/17

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Là tu pourras lancer ce peuple prolétaire,
Ces rudes travailleurs, victimes du salaire,
Ces serfs de l’atelier, ce bourdonnant essaim
D’abeilles sans emploi que tourmente la faim,
Ces soldats que l’émeute embauche dans la rue
Quand, le fusil en main, la Discorde se rue
Aux populeux faubourgs que réveille en sursaut
Le cri des combattants qui montent à l’assaut
De sanglants bastions, redoutes élevées
Au sein de tes cités dans la nuit dépavées.
Le canon démolit ces remparts ; mais pourtant
L’indéchiffrable sphinx se redresse vivant.
Ni le fer, ni le feu, les longues mitraillades,
N’ont pu l’étendre mort au pied des barricades ;
Posant, posant toujours son problème inconnu,
Il raille en attendant qu’Œdipe soit venu.

À tous ces cœurs bouillants, à ces âmes viriles,
Incandescent foyer de nos guerres civiles,
De ces pays nouveaux ouvre l’immensité.
Quelle vaste moisson pour leur activité !
Aux plus rudes travaux rompus dès leur bas âge,
Tu les verras bientôt transformer cette plage,
Dessécher les marais, assainir les vallons,
Des trésors enfouis exploiter les filons.
D’opulentes cités, débordantes de sève,
S’élèveront là-bas, écloses comme en rêve ;
Des docks, des magasins, des chantiers, des canaux,
Des clochers élancés, de puissants arsenaux,
Chefs-d’œuvre de géants, prodiges d’un Orphée,
Magiques monuments, bâtis par une fée,
Recouvriront partout les espaces déserts,
De leurs pointes d’acier jalonneront les airs.